Nareux et clencher

Dans un billet récent publié sur le site y’a pas le feu au lac,  la blogueuse Kantu (une expat’ suisse en France)  fait état de quelques régionalismes du français de Lorraine, tout en précisant que parmi ceux-ci, certains sont employés en dehors de la Lorraine. Nombreux des mots mentionnés sur son blog étaient présents dans les enquêtes du projet Le français de nos régions. Nous faisons le point dans ce billet sur deux d’entre eux.

(Être) nareux

D’après le Dictionnaire des Régionalismes de France (DRF, p. 701), l’adjectif nareux (ou sa variante néreux) qualifie une personne « difficile sur la nourriture et tout ce qui touche la propreté de la table; qui éprouve facilement du dégoût ». D’après le DRF, ce mot serait un dialectalisme (c’est-à-dire un mot emprunté aux patois), et serait essentiellement employé dans le Nord-Est de la France. Le Dictionnaire des Belgicismes (DicBel) mentionne également que le terme est usité dans les provinces de Namur et du Luxembourg.  La carte générée à partir des 9’000 réponses obtenues pour l’enquête Euro-2 (cliquez sur ce lien pour y participer) livre des résultats en accord avec ceux du DRF et du DicBel :

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Figure 1. Répartition et vitalité du mot « nareux » dans l’enquête Euro-2. Chaque point représente le code postal de la localité d’enfance d’un ou de plusieurs participants, plus la couleur est foncée, plus le pourcentage de participants par département (FR), province (BE) ou canton (CH) est élevé.

Clencher

Comment nommez-vous « l’action de fermer une porte » ?  Comme on peut le voir sur la carte ci-dessous (qui est remarquablement similaire à celle que l’on trouve dans le DRF, p. 274 en ce qui concerne l’Hexagone), c’est le terme clencher que les participants originaires de Lorraine et de Normandie ont choisi quand ils ont pris part à l’enquête Euro-1 (cliquez sur ce lien pour participer). Notons que l’on retrouve ce type lexical en Belgique (sous la variante clinche, d’après le DicBel).

clencher_euro

Figure 2. Répartition et vitalité du mot « clencher » dans l’enquête Euro-2. Chaque point représente le code postal de la localité d’enfance d’un ou de plusieurs participants, plus la couleur est foncée, plus le pourcentage de participants par département (FR), province (BE) ou canton (CH) est élevé.

Terminons en soulignant que le mot « clencher »est également employé au Québec, où il a été importé par les colons Normands au XVIIe siècle (comme le souligne à juste titre Kantu dans son billet).

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A propos Mathieu Avanzi

Mathieu Avanzi est linguiste. Il a défendu une thèse portant sur l'intonation du français en 2011, et effectué plusieurs séjours postdoctoraux en Belgique (Louvain-la-Neuve), en France (Paris), au Royaume-Uni (Cambridge) et en Suisse (Berne, Genève, Neuchâtel et Zurich). Après avoir été maître de conférences à Sorbonne Université (Paris IV) au sein de la chaire Francophonie et variété des français, il a été nommé professeur ordinaire à l'université de Neuchâtel, où il dirige le Centre de dialectologie et d'étude du français régional. Ses travaux portent sur la géographie linguistique du français, sujet auquel il a consacré plusieurs articles et ouvrages.

5 réponses

  1. Aurélien

    Pour moi clancher avais toujours été une autre façon de dire calancher (mourir) (dans l’hérault). Je connaissait le mot clenche, mais il ne me serait pas venu à l’idée d’en faire un verbe.

  2. Guy

    Parole de meusien: Effectivement, on clenche une porte. Quand la porte est clenchée,elle ne peut plus s’ouvrir toute seule, sans être pour autant verrouillée. La serrure est en-clenchée.

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