Dans un précédent billet, nous vous parlions de l’entrée dans le dictionnaire du mot dégun, qui signifie “personne”. Dans des billets plus anciens, nous avions aussi vu que les francophones du Sud-Ouest avaient des façons bien particulières de nommer le “sac plastique avec lequel on fait ses commissions” (voir le billet) ou la viennoiserie fourrée d’une barre de chocolat (que l’on nomme en français commun pain au chocolat, voir ce billet). Ce billet est consacré aux mots empruntés à l’occitan, et plus spécialement à l’un de ses nombreux dialectes.
Péguer
Nous commençons avec le mot péguer (passé en français via l’occitan pegar), qui signifie “coller légèrement”. Ce mot n’a pas d’équivalent en français commun, si bien qu’il est connu par une grande partie de la population interrogée (avec mon frère, quand on était petits et qu’on renversait du sirop ou du coca sur le sol, notre mère qui a passé une partie de son enfance dans l’Aveyron criait de faire attention, car ça allait “péguer”). On remarque toutefois que c’est surtout sur une large frange méditerranéenne que ce régionalisme est employé :
Répartition et vitalité du mot “péguer” dans l’enquête Euro-2. Chaque point représente le code postal de la localité d’enfance d’un ou de plusieurs participants, plus la couleur est foncée, plus le pourcentage de participants par département (FR), province (BE) ou canton (CH) est élevé.
Escagasser
Un autre terme qui n’a pas d’équivalent en français standard, et que l’on utilise comme synonyme “d’abîmer” (ou de “taper sur les nerfs”, d’autres sens sont aussi connus) : escagasser. Emprunté au provençal lui aussi (on reconnait la racine caga), ce mot occupe la même aire que péguer, bien que les pourcentages de vitalité soient plus faibles d’un département à l’autre :
Répartition et vitalité du mot “escagasser” dans l’enquête Euro-2. Chaque point représente le code postal de la localité d’enfance d’un ou de plusieurs participants, plus la couleur est foncée, plus le pourcentage de participants par département (FR), province (BE) ou canton (CH) est élevé.
Mamé(e), mamet(te)
Enfin, nous terminerons avec la série mamé(e), mamet(te), un terme affectif qui désigne la “grand-mère”. Contrairement aux deux termes précédents, ces termes empruntés à l’occitan ont une aire d’emploi plus restreinte, puisqu’ils sont surtout connus dans les départements du Gard, de l’Hérault et du Vaucluse :
Répartition et vitalité des mots “mamé(e)”, “mamet” et “mamette”dans l’enquête Euro-2. Chaque point représente le code postal de la localité d’enfance d’un ou de plusieurs participants, plus la couleur est foncée, plus le pourcentage de participants par département (FR), province (BE) ou canton (CH) est élevé.
Connaissez-vous ces mots, les employez-vous dans vos conversations quotidiennes ? Dites-le-nous en participant à notre grande enquête sur les mots et les expressions de nos régions, et faites suivre autour de vous !
Dans le canton de Vaud (et peut-être dans le reste de la suisse romande) on dit “Pèdzer” pour «coller légèrement » qui ressemble (je trouve) au Péguer occitan. On l’utilise aussi pour désigner qui à de la peine à partir d’où il est “Alors toujours les même pèdze au bar !”
En effet Robin, c’est exactement cela ! Le canton de Vaud et son dialecte Vaudois font partie du domaine linguistique francoprovençal — que l’on nomme aussi arpitan — ainsi le terme français régional pèdzer vient naturellement de cette langue, dans laquelle le verbe pèdzi signifie au sens propre «poisser» et par extension «coller». Pèdzi descend, tout comme le sud-occitan pegar et le nord-occitan pejar, du verbe latin picare (enduire de poix, coller, goudronner). Bien vu ! 😉
• Francoprovençal → https://fr.wikipedia.org/wiki/Francoproven%C3%A7al
• Carte aire arpitane → https://www.regionsavoie.org/images/stories/culture/fpr-centre-sito_186_l.jpg
[…] si ce n’est pas déjà fait), comme dans quelques-uns des précédents billets de ce blog (v. ce billet ou celui-ci), nous avons publié de nombreuses cartes prouvant que le français que l’on […]