La flore des Alpes et du Jura

Dans l’une des enquêtes « Le Français de nos régions« , lancée en partenariat avec l’Observatoire en français de Suisse romande, des linguistes ont proposé à des internautes de répondre à un certain nombre de questions, dont le but était de mieux comprendre qu’elle était la distribution géographique et la vitalité de variantes lexicales dites propres au français que l’on parle en Suisse romande. Plus de 7’000 participants, ayant passé la plus grande partie de leur enfance en Suisse romande ou France voisine, ont pris part au sondage. Les premiers résultats de cette partei de l’enquête commencent à être connus.

La mâche

Sur la première carte ci-dessous, on a cartographié les différentes réponses reçues quant à la question des dénominations de la petite plante comestible que l’on nomme en français commun « mâche », et dont le nom scientifique est Valerianella locusta. Selon la région de laquelle les locuteurs proviennent, cette plante prend des noms différents. Comme le montre la carte 1 ci-dessous, tous les Romands connaissent le mot « mâche ». Toutefois, dans les cantons de l’Arc Jurassien et de Fribourg, les locuteurs emploient également le mot « doucette », alors que dans les cantons de Vaud, du Valais et de Genève, c’est le mot « rampon » qui est le plus souvent utilisé. Dans les deux Savoie, la forme suffixée « ramponnet » est celle qui arrive en tête des sondages, après le mot « mâche ». Autour dYverdon-les-Bains, les participants ont suggéré le mot « trochette » (et sa variante « tronchette »). Quant au syntagme « salade de blé », qui est notamment en usage dans le Midi de la France, il est aussi attesté çà et là en Suisse romande.

carte-1_mâche_CHLes dénominations de la valerianella locusta dans le français de Suisse romande et en France voisine.

Les pissenlits

La carte suivante représente la variation dans l’espace romand des dénominations désignant le taraxacum, que l’on connait mieux sous le nom de « pissenlits ». Dans l’enquête, il n’a pas été demandé aux participants de préciser s’ils nommaient de façon différente la fleur de la feuille, aussi il est possible de savoir si les réponses reçues caractérisent l’une ou l’autre partie de la plante. Quoiqu’il en soit, il est intéressant de constater qu’en Romandie, les noms que l’on donne à cette plante changent selon que les participants sont originaires de l’Arc Jurassien (cantons de Neuchâtel, Berne et du Jura) ou du reste de la Romandie (Fribourg, Genève, Valais et Vaud). Alors qu’au Nord c’est le vocable « cramias » (que l’on trouve également orthographié avec un -t final, « cramiats ») qui est préféré par les participants du sondage, c’est plutôt la lexie « dents-de-lion » que les Romands du reste du territoire ont plébiscité. De l’autre côté de la frontière, c’est la forme dérivée de « cramia(t)s », « cramaillots », qui a été le plus souvent choisie, alors que dans la région de Lyon, on trouve quelques attestations éparses du mot « barabans ».

carte-2_pissenlit_CH

Les dénominations du taraxacum dans le français de Suisse romande et France voisine.

Le gratte-cul

Sur la troisième et dernière carte sont représentés les différents mots qui désignent le « cynor(r)hodon » (les deux orthographes sont admises), fruit de l’églantier, avec lequel on fait d’excellentes confitures. En France voisine, la forme « cynor(r)hodon » n’est pas connue, alors qu’en Suisse romande, elle est utilisée quotidiennement pour désigner une infusion parfumée (un thé au cynor(r)hodon). De façon intéressante, le terme commun « gratte-cul » connait une variante, dont la distribution est contrainte régionalement. Comme le montre la carte, la variante « gratte-à-cul » n’est pas connue dans les cantons de l’Arc Jurassien, alors qu’elle est fréquente dans le reste de la Suisse romande, comme dans les départements de France voisine (à part dans le sud des départements de l’Ain, du Jura et du Doubs). D’après les résultats de l’enquête, le mot « gousson », que l’on peut trouver dans certains dictionnaires ou glossaires, n’est pas presque pas attesté dans le français de cette région.

carte-3_grattacul

Les dénominations du cynor(r)hodon dans le français de Suisse romande et en France voisine.

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A propos Mathieu Avanzi

Mathieu Avanzi est linguiste. Il a défendu une thèse portant sur l'intonation du français en 2011, et effectué plusieurs séjours postdoctoraux en Belgique (Louvain-la-Neuve), en France (Paris), au Royaume-Uni (Cambridge) et en Suisse (Berne, Genève, Neuchâtel et Zurich). Après avoir été maître de conférences à Sorbonne Université (Paris IV) au sein de la chaire Francophonie et variété des français, il a été nommé professeur ordinaire à l'université de Neuchâtel, où il dirige le Centre de dialectologie et d'étude du français régional. Ses travaux portent sur la géographie linguistique du français, sujet auquel il a consacré plusieurs articles et ouvrages.

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