Qui sont les francophones d’Europe qui célèbrent la Saint-Nicolas?

Le blog français de nos régions est consacré à la variation du français, en particulier aux spécificités locales qui touchent à la prononciation, au vocabulaire et à la grammaire de cette langue. Il a pour but de documenter des faits linguistiques dont l’extension est restreinte géographiquement, et d’en expliquer les raisons d’êtres historiques. La présentation des phénomènes se fait essentiellement sous forme de cartes thématiques, générées à la suite d’enquêtes en ligne, auxquelles des milliers d’internautes ont pris part depuis le lancement du premier sondage, c’était en mai 2015….

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Dans la huitième édition de notre sondage principal à destination des francophones d’Europe (les questions sont différentes si vous êtes originaires d’Amérique du Nord), nous avons glissé un certain nombre de questions qui n’ont pas grand-chose à voir directement avec la langue française et les régionalismes qui en font la richesse. Ces questions sont pourtant intéressantes car elles permettent de cartographier, pour la première fois, l’aire de phénomènes culturels dont les frontières géographiques demeurent encore floues.

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Représentation de Saint-Nicolas [source]
En ce début de mois de décembre, synonyme de fêtes, nous publions dans ce billet les résultats de la question relative à la célébration de la Saint-Nicolas.

La Saint-Nicolas en Europe

La Saint-Nicolas est une fête chrétienne, qui est célébrée le 6 décembre de l’an, à part dans la tradition orthodoxe où c’est le 19 décembre que l’on fête Nicolas de Myre. D’après la page Wikipédia consacrée à cet événement, la tradition ne jouit pas de la même vivacité d’une région de l’Europe à l’autre:

On fête la Saint-Nicolas notamment aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg, en France (Grand Est, Hauts-de-France, Bourgogne-Franche-Comté), en Allemagne, en Russie, en Autriche, en Italie (Frioul, Trentin-Haut-Adige et Province de Belluno), en Croatie, en Slovénie, en Hongrie, en Pologne, en République tchèque, en Lituanie, en Roumanie, en Bulgarie, au Royaume-Uni, en Ukraine en Slovaquie, en Serbie, en Grèce, à Chypre et dans certains cantons suisses [source]

Dans notre enquête, nous avons laissé de côté les autres éléments associés à cet événement qui peuvent varier régionalement, à l’instar du moyen de locomotion de Saint-Nicolas (dans certaines régions Saint-Nicolas se déplace sur un âne magique, dans d’autres il arrive sur un bateau tiré par un cheval); des représentations du père fouettard qui l’accompagne; des présents que le personnage est en charge d’apporter aux enfants, voire même des pâtisseries que l’on confectionne pour l’occasion (pâtisserie que l’on nomme communément “bonhomme de Saint-Nicolas”, mais dont il existe de nombreuses variantes). Enfin, notre enquête ne portant que sur les régions de France, de Belgique et de Suisse où l’on parle le français, nous ne disposons pas non plus de données pour les pays environnants comme l’Italie, où l’aire géographique de la célébration de ce saint semble ne pas être s’étendre au-delà des provinces du Nord-Ouest du pays.

Méthode de cartographie

Au total, nous avons recueilli les réponses de 5.142 internautes (l’enquête étant encore en cours, vous pouvez faire évoluer les résultats en participant vous aussi, pour cela cliquez ici). Sur la base du pays et du code postal où les internautes ont déclaré avoir passé la plus grande partie de leur jeunesse, nous avons calculé, pour chaque arrondissement de France, de Belgique et de district en Suisse romande le pourcentage d’internautes ayant répondu positivement à la question “Le 6 décembre de l’an, c’est la Saint-Nicolas. Faites-vous quelque chose de spécial (distribution de cadeaux ou friandises aux enfants, p.ex.) pour célébrer cet événement?”.

Les cartes ont été réalisées dans le logiciel R, à l’aide des packages ggplot2 et raster, notamment. Les fonds de carte ont été rapatriés de la base GADM. Pour les palettes de couleur, c’est sur ce site. Pour en savoir plus, vous pouvez contacter l’auteur.

Nous avons ensuite représenté sur un fond de carte vierge les points de chacun de ces arrondissements ou districts sur la base de leur coordonnées (longitudes/latitudes), et fait varier leur couleur en fonction de la valeur des pourcentages (plus la couleur est froide, plus le pourcentage de participants ayant indiqué célébrer la Saint-Nicolas est bas; inversement, plus la couleur est chaude, plus le pourcentage de participants ayant déclaré fêter l’événement est important). Nous avons alors obtenu la représentation graphique ci-dessous:

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Fig. 1: Pourcentage de francophones ayant déclaré fêter la Saint-Nicolas le 6 décembre, d’après les enquêtes Français de nos Régions (8e édition), avant interpolation. Les traits épais délimitent les frontières entre la France et la Belgique d’une part, entre la France et la Suisse d’autre part. Plus la couleur est chaude, plus le pourcentage est élevé.

Nous avons ensuite utilisé la méthode du krigeage pour colorier la surface de la carte, de sorte à obtenir une représentation lisse et continue:

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Fig. 2: Pourcentage de francophones ayant déclaré fêter la Saint-Nicolas le 6 décembre, d’après les enquêtes Français de nos Régions (8e édition), après interpolation. Les traits épais délimitent les frontières entre la France et la Belgique d’une part, entre la France et la Suisse d’autre part. Plus la couleur est chaude, plus le pourcentage est élevé.

Si les données de notre enquête valident en partie la description disponible sur Wikipédia, elle permet de délimiter, avec une précision jamais atteinte jusque-là, l’aire d’extension de cette coutume, de même que sa vitalité à travers les régions francophones. On peut ainsi voir que les francophones d’Europe qui célèbrent la Saint-Nicolas sont tous établis sur un croissant dont les pointes vont de l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais à la Suisse romande. De ce croissant sont exclus la ville-canton de Genève, de même que les départements du Jura, la Côte d’Or, la Haute-Marne, l’Aube et de l’île-de-France.

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Saint-Nicolas au Delhaize [chaîne de supermarché belge] de Bohan [source]
Sur le plan de la vitalité, on peut voir que la fête est nettement moins célébrée dans la région des Hauts-de-France, alors qu’en Alsace, en Lorraine et en Wallonie, la Saint-Nicolas est célébrée par tous. En Belgique, la Saint-Nicolas est une véritable institution: dans certaines familles, l’événement jouit d’une plus grande importance que Noël (v. à ce sujet les anecdotes rapportées ici). En Lorraine (de Nancy à Metz) comme à Fribourg en Suisse romande, la Saint-Nicolas est célébrée le premier weekend de décembre, à grand coups de spectacles, de défilés et de feux d’artifice. A Strasbourg, le célèbre marché de noël fût longtemps appelé le marché de la Saint-Nicolas.

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N’hésitez pas à participer à notre enquête pour nous aider à confectionner les prochaines cartes, et mieux comprendre qu’est-ce qui différencie et/ou qui rapproche, sur le plan linguistique, les différentes régions qui composent la francophonie d’Europe. Pour être tenu au courant de nos prochaines publications, vous pouvez vous abonner à notre page Facebook ou nous suivre sur Twitter! Retrouvez également nos cartes sur notre compte Instagram.

A propos Mathieu Avanzi

Mathieu Avanzi est linguiste. Il a défendu une thèse portant sur l'intonation du français en 2011, et effectué plusieurs séjours postdoctoraux en Belgique (Louvain-la-Neuve), en France (Paris), au Royaume-Uni (Cambridge) et en Suisse (Berne, Genève, Neuchâtel et Zurich). Après avoir été maître de conférences à Sorbonne Université (Paris IV) au sein de la chaire Francophonie et variété des français, il a été nommé professeur ordinaire à l'université de Neuchâtel, où il dirige le Centre de dialectologie et d'étude du français régional. Ses travaux portent sur la géographie linguistique du français, sujet auquel il a consacré plusieurs articles et ouvrages.

3 réponses

  1. Je suis d’origine normande, bien que je vive actuellement en Vendée, et chez moi, la saint Nicolas est de tradition! C’est le jour où l’on met le sapin, et on l’enlève à l’épiphanie.

  2. GRECO

    Je suis français d’Algérie. Dans ma ville de l’est algérien il était de tradition de donner des jouets aux enfants à Noël, mais aussi des friandises à la Saint Nicolas, des Saint Nicolas en chocolat par exemple, comme on donnait des œufs ou des cloches en chocolat à Pâques. La Saint Nicolas était une fête qui avait une importance non négligeable pour les enfants.

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