La prononciation du français parlé dans les Alpes et le Jura

Parallèlement à l’enquête sur les mots et les phrases du français de nos régions lancée en mai dernier, une enquête portant sur la prononciation du français parlé dans le domaine francoprovençal (couvrant notamment le centre de la région Rhône-Alpes, le sud de la Franche-Comté et la Suisse romande) a été mise en place (une enquête du même type a été adaptée pour les autres régions de la francophonie, cliquez ici pour en savoir plus).

Dans cette enquête, on présentait à l’écran une image accompagnée d’une phrase « à trou ». Le participant devait cliquer sur un bouton pour entendre le mot manquant, correspondant à l’image. Le mot était prononcé de deux façons différentes, et le participant devait indiquer laquelle des deux prononciations était la plus proche de la sienne. A ce jour, près de 3500 participants ont pris part à cette enquête. Ci-dessous, nous présentons la carte du mot « foot« , où les couleurs foncées correspondent à une prononciation du mot avec un /o/ ouvert, comme dans le mot « botte », les couleurs claires à une prononciation proche de la prononciation anglo-américaine, avec un /ou/, comme dans le mot « fou » :

ALJAvoy_foot

Cliquez sur le bouton « lecture » pour écouter la différence entre les deux prononciations du mot « foot » :

On peut voir que la prononciation avec /o/ ouvert (comme dans « botte ») n’est pas du tout répandue dans les cantons de Genève et de Vaud, et qu’elle est plus fréquente à Neuchâtel que dans le Jura. Dans le canton de Fribourg en revanche, la prononciation anglo-américaine ne semble pas pas utilisée, alors que dans le canton du Valais, on observe des différences entre les districts.

Une autre différence intéressante concerne la prononciation du mot « jeune« . Comme on peut le voir sur la carte ci-dessous, dans le domaine francoprovençal politiquement français, c’est une prononciation avec un /oe/ ouvert qui prévaut (comme dans « neuf »), alors qu’en Suisse romande, en tout cas dans les cantons du Jura, de Berne, de Fribourg et dans le sud du Valais, c’est une prononciation avec /oe/ fermé (comme dans « deux ») qui est en usage :

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Cliquez sur le bouton « lecture » pour écouter la différence entre les deux prononciations du mot « jeune » :

La carte du mot « pot » est également intéressante à commenter. Comme on peut le voir sur la carte ci-dessous, les Suisses romands, de même que les locuteurs des départements du Doubs et du Jura en France, tendent à prononcer le mot « pot » avec une voyelle ouverte (comme dans « botte »), alors que dans les autres départements de France, de même que dans le canton de Genève, c’est une prononciation avec /o/ fermé (comme dans « beau« ) qui prédomine :

ALJAvoy_pot

Cliquez sur le bouton « lecture » pour écouter la différence entre les deux prononciations du mot « pot » :

Enfin, si l’on observe la carte du mot « piquet », on peut voir que les Romands comme les Français (à part quelques Valaisans toutefois) continuent de prononcer le mot avec un /è/ ouvert, alors que dans les départements de Grenoble et de Valence, c’est une prononciation avec /é/ fermé qui semble majoritairement employée, soulignant la proximité que ces parlers entretiennent avec ceux du sud de la France, où l’opposition entre /é/ et /è/ a été neutralisée au profit de /é/ (les locuteurs ne distinguant pas les mots « les » et « lait » quand ils les prononcent) :

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Cliquez sur le bouton « lecture » pour écouter la différence entre les deux prononciations du mot « piquet » :

L’enquête présentait de nombreuses autres paires de mots. Leurs cartes seront présentées d’ici quelques semaines sur ce blog.

Ces questions vous intéressent ?

Si vous êtes originaire de la région Rhône-Alpes ou de Suisse romande, cliquez sur ce lien pour participer à l’enquête, si vous êtes originaire d’ailleurs en France, en Belgique, du Canada, des DOM-TOM ou d’Afrique, cliquez plutôt sur ce lien, et amusez-vous bien !

A propos Mathieu Avanzi

Mathieu Avanzi est linguiste. Il a défendu une thèse portant sur l'intonation du français en 2011, et effectué plusieurs séjours postdoctoraux en Belgique (Louvain-la-Neuve), en France (Paris), au Royaume-Uni (Cambridge) et en Suisse (Berne, Genève, Neuchâtel et Zurich). Après avoir été maître de conférences à Sorbonne Université (Paris IV) au sein de la chaire Francophonie et variété des français, il a été nommé professeur ordinaire à l'université de Neuchâtel, où il dirige le Centre de dialectologie et d'étude du français régional. Ses travaux portent sur la géographie linguistique du français, sujet auquel il a consacré plusieurs articles et ouvrages.

4 réponses

  1. Odile tissot-daguette

    Pas un peu bizarre de mettre le Jura suisse et Belfort dans le Franco provençal alors que ces régions sont de langues d’oïl!!!!
    Mon père était un écrivain patois reconnu et ce n’est pas du tout le parler Franco provençal que nous parlions à la maison….

    1. Merci de votre commentaire très pertinent ! le Jura et Suisse et Belfort n’appartiennent pas au domaine francoprovençal, mais au domaine d’oïl, vous avez entièrement raison. Comme vous l’aurez aussi sans doute remarqué, c’est tout aussi incorrect de mettre le sud de l’Isère, de même que la Drôme, dans ce domaine: ils appartiennent au domaine d’oc. La raison de cette inexactitude vient du fait que nous nous sommes servi des frontières administratives pour faire les cartes. Or, on sait que ces frontières ne correspondent pas aux frontières linguistiques. D’où ces imprécisions !

  2. Jovin

    On peut compléter avec la prononciation du EY à la fin de beaucoup de mots.
    Dans le Jura la fin des noms des villages en EY se prononcent souvent é : Crissey, Parcey, Pagney, Mont sous Vaudrey, etc.

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